Un'intervista al settimanale cattolico belga Dimanche sulle sfide dell'Intelligenza Artificiale
"le ‘dataïsme’ mériterait le nom de religion"
De nombreux philo- sophes catholiques estiment qu’à la renaissance, l’homme a cessé d’être le sommet
de la Création pour devenir le centre de l’univers, ce qui a aussi engendré une volonté de dominer la nature. Pensez-vous que l’ia puisse être une oppor- tunité de dépasser ce paradigme?
A la fin du Moyen Age et à la Renaissance a émergé en Europe une nouvelle façon de comprendre la réalité, en la modélisant. Comme l’a théorisé Alfred Crosby, l’on a assisté à la diffusion d’un modèle quantitatif du réel qui s’est substitué à l’ancien modèle qualitatif. Copernic, Galilée, les artisans qui devinrent des experts dans la construction de ca- nons ou les cartographes qui dessinaient les côtes des terres tout juste découvertes, ont pensé la réalité en termes quantitatifs. Si ces chercheurs sont bien les instigateurs d’une vraie révolution et si l’on doit leur reconnaître un grand mérite dans leur capacité d’innovation, ils sont avant tout les héritiers d’un long processus de changement d’une ‘mentalité’ européenne. Aujourd’hui, les intelligences artificielles ne marquent pas de rupture avec ce modèle mais sont plutôt son développement, sans doute extrême. La réalité n’est plus seulement m esurée et quan- tifiée mais ‘dataïsée’ et les machines trouvent des connexions et des significations de manières nou- velles et inédites.
N’y a-t-il pas un risque d’emprunter la voie ‘post- humaniste’ du "crépuscule de l’homme"?
Ces positions circulent parmi les intellectuels de- puis quelques années sous forme du déclin d’un certain humanisme. Ce qui fait la force de l’Oc- cident depuis ses origines, à savoir la valeur de la personne humaine, risque de devenir sa plus grande faiblesse: ce qui a été son centre risque de devenir sa périphérie. L’Occident aurait été, et serait encore impensable sans la catégorie de la personne. D’un point de vue chrétien, nous sommes appelés à annoncer de nouveau la grandeur de l’humain. Cette capacité et cette unicité font de l’homme un être apte à Dieu, comme le démontre de façon exemplaire l’Incarnation.
Comment l’eglise devrait-elle aborder les immenses défis que représente l’IA?
L’Eglise doit avant tout révéler les dynamiques qui sous-tendent la transformation de la technologie en phénomène pseudo-religieux: le ‘dataïsme’. Durant des milliers d’années, les humains ont attribué l’au- torité aux dieux. Elle a ensuite été confiée aux struc- tures codifiées par les grandes religions. A l’époque moderne, l’humanisme a peu à peu déplacé l’auto- rité divine vers la personne. Dans ce schéma, ce ne sont pas les dieux mais les sentiments et les désirs humains qui deviennent la source d’autorité ultime. Tout comme l’autorité divine a été légitimée par des croyances religieuses, l’autorité humaine a été légi- timée par les nouveaux gourous du high-tech et les prophètes de la Silicon Valley qui créent un nouveau récit universel pour légitimer ce nouveau principe d’autorité: les algorithmes et le Big data. Le dataïsme n’a ni fidèles ni lieu de culte mais il mériterait le nom de religion car la vague informatique qui submerge la réalité et le manque de remise en question de ses présupposés peuvent devenir une croyance avec des caractéristiques semblables à celles d’une croyance religieuse. L’Eglise doit y prendre garde. (Solène Tadié)